Reconnaître les cas de traite d’enfants

La traite d’enfants est une infraction complexe et de surcroît difficile à identifier.

Il existe de nombreuses situations dans lesquelles des enfants deviennent victimes de la traite des êtres humains – une fuite, une promesse de travail, le soutien de proches. L’exploitation peut aussi prendre de nombreuses formes, comme l’aide d’un proche dans son entreprise, l’obligation de mendier ou des images de maltraitance sexuelle à des fins commerciales. Ce n'est que lorsque l'exploitation d'un enfant est repérée qu'il a une chance d’en sortir et de recevoir le soutien nécessaire et adapté. La sensibilisation des autorités et des professionnel·le·s à la traite d’enfants revêt donc un aspect crucial.

En Suisse, entre 2020 et 2022, uniquement douze enfants ont été identifiés comme victimes de la traite d'enfants selon l'article 182 du Code pénal1. On peut donc supposer qu’en Suisse, ce trafic est quasi invisible. Selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT), 1,2 million d’enfants sont concernés par la traite d’enfants dans le monde.2 Il convient d’ajouter à cela de nombreux cas inconnus. La plupart des enfants concernés en Suisse ne sont vraisemblablement pas repérés comme tels. Par ailleurs, on peut supposer qu’un grand nombre de cas tombent dans ce que l’on appelle une zone grise. Cela signifie que les faits se situent à la marge de la légalité ou font partie d’une autre infraction ne relevant pas de la traite des êtres humains.

Dans ce contexte, les questions suivantes se posent :

  • Les autorités, les professionnelle·s et la population sont-ils d’une manière générale sensibilisés à la traite d’enfants ?
  • Les autorités et les professionnelle·s sont-ils en mesure de repérer les cas suspects ?
  • Quelles sont les situations d’exploitation qui relèvent, selon les autorités, de la traite d’enfants ?

L’approche du problème nécessite des définitions plus claires et des données plus précises, y compris pour les cas de suspicion. Les victimes doivent être identifiées et protégées. Cela nécessite non seulement des procédures cantonales, mais aussi des campagnes de sensibilisation, un renforcement des réseaux et une collaboration interinstitutionnelle. Les tables rondes cantonales contre la traite des êtres humains sont de précieux instruments auxquels des représentant·e·s du domaine de l’asile et des Autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) devraient participer. Enfin, la formation des professionnel·le·s en contact avec de potentielles victimes est cruciale pour repérer au plus tôt les situations à risque et empêcher l’exploitation.

1 https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/actualites/quoi-de-neuf.assetdetail.24368351.html https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/criminalite-droit-penal/aide-victimes.html

2 Cf. Rapport concernant la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par la Suisse.Deuxième cycle d’évaluation, https://www.coe.int/fr/web/anti-human-trafficking/country-monitoring-work.

Identification de la traite d’enfants et intérêt de l’enfant

Les aspects suivants compliquent la gestion des cas de traite d’enfants et les interventions en faveur de l’intérêt supérieur de l’enfant :

Identification en tant que cas de traite d’enfants, et non en tant que cas de protection de l’enfance

La loi suisse sur l’aide aux victimes est territoriale. Lorsqu’une infraction est commise à l’étranger, les victimes de traite d’êtres humains ne bénéficient pas, en Suisse, de la protection dont ils ont besoin et qui leur est due en vertu des accords internationaux. En revanche, en cas de suspicion de traite d’enfants, il est impératif d’en appeler aux droits de l’enfant et aux principes de protection des victimes. Il faut garantir que les autorités suisses appliquent les bases légales de manière adaptée à l’enfant, et ce, dans chaque cas (y compris dans le cadre de l’asile ou dans un contexte de criminalité). Il est primordial que les enfants qui sont devenus victimes à l’étranger soient en premier lieu considérés comme des enfants et protégés. Face à des personnes mineures, ce ne sont ni l’origine ni le statut en matière de séjour qui doivent primer.1

Conflit entre l’intérêt supérieur de l’enfant et la procédure pénale 

Les enfants doivent toujours être protégés. Or, l’ouverture d’une procédure pénale n’est pas toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Selon les cas, elle peut avoir un lourd impact sur un enfant présentant un traumatisme psychique. L’évaluation de l’intérêt et du bien-être de l’enfant est très complexe ; elle doit être réalisée par une personne qualifiée et prendre aussi en considération les intérêts de l’entourage de l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant doit alors toujours primer sur le reste.

Non-identification de la traite d’enfants

Dans le cadre de la traite des êtres humains, le moyen employé aux fins d’exploitation – c’est-à-dire le recours à la violence, à la tromperie ou à la menace – est déterminant. À l’inverse, l’exploitation d’un enfant est qualifiée de traite d’enfants même si aucun moyen de contrainte n’est exercé. Un contexte d’exploitation et de violence ne laisse pas de place à la liberté. Dans le cas des enfants, le consentement n'est aucunement pertinent mais cette distinction est souvent négligée. Ainsi, une situation d’exploitation peut être identifiée par exemple comme de la violence sexuelle et non comme un cas de traite d’enfants.

Compréhension des personnes concernées

L’identification des éventuelles victimes est rendue difficile par le fait que les personnes concernées par la traite d’enfants se voient rarement comme des victimes et/ou ne veulent ou ne peuvent pas se faire aider. Il arrive que des membres de la famille ou de l’entourage des enfants sont impliqués dans la traite et que la découverte de celle-ci entraîne l’éclatement d’un système familial et la naissance d’un sentiment de culpabilité chez l’enfant.

1 Cf. Manuel MNA SSI, p. 5.

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